Les Gnaouas de Marrakech sont l’un des piliers de la Place Jemaa el Fna, leurs rythmes frénétiques et dynamiques guident instinctivement les touristes vers ce lieu mythique. Entre adeptes et curieux, les spectateurs se rassemblent majoritairement autour de ce spectacle chargé en histoire.

Les Gnaouas ne se résument pas à un simple genre musical, cette confrérie a su cultiver tout un univers alliant expression corporelle, musique folklorique et spiritualité.
À l’origine, les Gnaouas étaient des esclaves arrivés au Maroc avec les caravanes des commerçants. Issus du Sénégal, du Soudan et d’autres pays de la région subsaharienne, ces hommes étaient placés chez des familles influentes ou mis au service du Sultan. Plusieurs versions tentent d’expliciter l’appellation Gnaoua, dite aussi Gnawa. L’ethnologue Maurice Delafosse a apporté une explication basée sur des données étymologiques et historiques. Le mot “Gnaoua” découle selon M. Delafosse, de l’expression berbère akal-n-iguinaouen traduite par pays des noirs. Cette locution berbère est à l’origine du mot Guinée et du mot Gnaoua par similarité phonétique, les Gnaouas ou les Gnaouis signifient alors hommes noirs ou provenant du pays des noirs.

Jemaa el Fna, place des Gnaouas
Créée au XIe siècle, la Place Jemaa el Fna est atypique par la diversité de son potentiel artistique et social, elle est classée patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2008. Avec plus de 100 membres, la confrérie des Gnaouas fait partie de cette richesse, elle coexiste sur la place depuis 1966, auprès de celles des Hmadchas (danseurs et chanteurs appartenant à la tradition soufiste populaire) et des Aïssawas (charmeurs de serpents et musiciens faisant partie d’un ordre mystico-religieux). Positionnés à l’entrée de la place, les Gnaouas de Marrakech portent souvent des tenues aux couleurs vives. Ils se distinguent par leur toque rouge parsemée de cauris, “un coquillage que les esclaves introduisaient dans leurs sceptres qui au contact du sol, émettaient une rythmique soutenue, une sorte de défouloir face aux conditions difficiles.”, explique Moustapha Weld Ba Hmed, Gnaoui de père en fils. Figure emblématique de la Place Jemaa el-Fna, ce marrakchi de 51 ans relève la dimension spirituelle de la musique gnaouiya car selon lui “Les paroles, la sonorité et la cadence de la musique Gnaoua exercent une certaine thérapie sur le spectateur tout en lui offrant un spectacle d’expression corporelle : les mouvements acrobatiques sont synchronisés avec les mélodies, le Gnaoui entre alors en transe créant une ambiance mystique autour de lui.”. Attraction de prédilection des visiteurs, les Gnaouas ne passent pas inaperçus grâce à leurs instruments insolites aux sonorités uniques tels que le guenbri et les crotales.

Depuis quelques années, la musique des Gnaouas commence à s’exporter à l’international grâce aux groupes Gnawa Diffusion et l’Orchestre National de Barbes. Sur un plan national, la musique gnaoua bénéficie de son propre festival. Créé en 1998 à Essaouira, le Festival Gnaoua investit cette ville chaque année en la transformant en une sorte de Woodstock marocain. Consécration en 1995, quand le groupe de rock Led Zeppelin accompagné de musiciens gnaouis, offre au public marrakchi un concert gratuit sur la Place Jemaa el Fna. Relevant des mélodies proches du jazz et du blues, certains artistes tels que Randy Weston et Bill Laswell sollicitent fréquemment des musiciens gnaouas pour des compostions et des spectacles.